
LA DIGNITÉ HUMAINE
Réflexion sur l’instauration du droit au suicide médicalement assisté
Dans le cadre de la réflexion sur l’instauration du droit au suicide médicalement assisté (ou euthanasie), le CESEC a mis en ligne une consultation : “L’aide à mourir : votre avis compte “. Chacun peut y répondre et exprimer son avis sur cette question fondamentale, puisque c’est une question de vie ou de mort ! Mais au-delà des questions qui portent sur le comment (critères d’âge, garanties, procédures, garde-fous, nombre de médecins pouvant intervenir, etc.…), ne faudrait-il pas s’arrêter sur le bien-fondé de ce droit à l’aide à mourir ou à donner la mort.
Bien sûr que tout le monde est favorable à l’aide pour les malades qui s’approchent de la mort ! Les équipes soignantes y consacrent leur temps et leurs compétences, mais d’une tout autre façon que d’offrir une assistance médicalisée active à mourir ! Elles cherchent à soulager par tous les moyens possibles et avec beaucoup d’attention dans le respect de l’éthique. Elles ne sont pas passives, elles non plus, mais elles ne mettent pas « délibérément fin à la vie ». Elles peuvent le dire clairement, à la face de tous les citoyens.
Elles tentent de mettre de la décence dans ces derniers moments, de trouver les mots et les gestes qui conviennent.
La difficulté réside dans le fait que les promoteurs de l’euthanasie tentent de « catholiciser » le débat. Ils aimeraient dire qu’il n’y a que les catholiques qui sont contre. Faut-il rappeler ici que le débat ne porte pas sur une vision religieuse qui se limiterait aux Chrétiens, mais sur la condition humaine, le respect de toute dignité humaine, le respect de toute vie en société. L’objection à ce projet de loi est liée à notre façon de considérer et de servir la dignité humaine : prendre soin des personnes âgées dépendantes, porter attention aux plus vulnérables... C’est une loi de rupture car ce projet introduit un déséquilibre.
En effet, il nous fait basculer vers un modèle qui rompt une digue essentielle, un principe fondateur structurant de notre société, voire de notre civilisation, celui de l’interdit de tuer. Pour les soignants en particulier, l’interdit de tuer est une loi universelle ; elle est au coeur du serment d’Hippocrate qui date d’il y a 2 500 ans : « Je ne délivrerai de poison à quiconque même si l’on m’en fait la demande ». Un des éléments peut-être les plus graves est que l’on est en train de s’orienter vers l’idée qu’il y aurait des suicides positifs.
Dans son avis sur la question de la fin de vie, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) utilise le même mot « fraternité » pour qualifier à la fois l’aide active à mourir et l’accompagnement par les soins palliatifs. Mais comment appeler fraternel le geste qui donne la mort à son frère qui la demanderait ?
On ne peut pas parler de fraternité lorsque l’on répond à la souffrance par la mort. Comme l’annonçait François Mitterrand : « Le jour où une loi donnera à un médecin le droit d’abréger la vie, nous entrerons dans une forme de barbarie… on fera pression sur les personnes âgées pour qu’elles aient l’élégance de demander la mort et de ne pas peser ».
Ainsi, nous voici devant un choix de société. D’un côté, cultiver encourager le respect des personnes vulnérables, estimant que toute personne reste toujours digne, digne d’être soignée, aimée, consolée, soulagée – par le développement des soins palliatifs -, et de l’autre côté bâtir une société où l’on proclame comme essentielles l’autonomie et la volonté de toute-puissance personnelle. Cela finit par faire de nous des êtres, non plus reliés les uns aux autres dans la solidarité humaine, mais offrant aux fragiles et aux faibles la possibilité de mourir « dignement », comme si la mort donnée était non seulement la seule alternative, mais en la présentant de façon insidieuse comme la « meilleure et la plus juste solution » ! En un mot, « supprimons les maillons faibles de notre humanité qui sont un poids pour notre société ! ».
Nous n’en sommes peut-être pas encore là, mais qui nous garantit qu’une fois la loi votée, les dérives ne tarderont pas, faisant voler peu à peu en éclat toutes les restrictions et précautions dont les législateurs veulent entourer cette loi ?
La vie est sacrée, et le commandement « Tu ne tueras pas » est là pour nous le rappeler. Plus qu’une loi, le commandement s’adresse au plus profond de la conscience humaine et engage la relation entre Dieu et notre conscience. « Ce commandement, dans sa formulation concise et catégorique, se dresse comme une muraille pour défendre la valeur fondamentale dans les relations humaines : la valeur de la vie », a déclaré le Pape François.
+ Monseigneur Jean-Pierre COTTANCEAU
Archevêque de Papeete (Polynésie française)
16.07.2025