
Eugénie JOUBERT
(1876-1904)
Bienheureuse, Religieuse
Eugénie Joubert est née et a été baptisée à Yssingeaux, non loin de Notre-Dame du Puy, le 11 février 1876. Elle entra dans la vie religieuse à 19 ans. Elle prononça ses vœux le 8 décembre 1897. L’Obéissance lui confie les enfants ; ses préférés sont les plus pauvres. Elle meurt à Liège (Belgique) à l’âge de 28 ans, en réputation de sainteté, le 2 juillet 1904. Le Pape Jean-Paul II la proclama “Bienheureuse” le 20 novembre 1994.
Sa vie
Le 20 novembre 1994, le Pape Jean-Paul II béatifiait, entre autres, une jeune religieuse, morte en 1904, à 28 ans. Née à Yssingeaux le 11 février 1876, Eugénie Joubert rentre dans un tout jeune institut, la Sainte-Famille du Sacré-Cœur, fondée par le Père Rabussier, sj, et mère Marie Ignace Melin, pour l’enseignement de la catéchèse, surtout aux plus pauvres et aux plus abandonnés.
Sœur Eugénie sera donc catéchiste de 1897 à 1901, dans la banlieue parisienne, d’abord à Aubervilliers, puis à Saint-Denis, où elle s’occupera entre autres des enfants des bateliers et des forains.
Elle consolide sa mission par l’étude approfondie des vérités de la foi grâce à saint Thomas d’Aquin et aux Pères de l’Église. Ainsi le voulait la fondatrice pour ses sœurs appelées à ce service.
Sœur Eugénie a une vie de prière intense, un amour tout particulier envers la Sainte Eucharistie, la Très Sainte Vierge Marie. C’est cela qui va exercer sur lés enfants une particulière influence, car de méthode personnelle, elle n’en a pas : elle vit ce qu’elle enseigne. Les témoignages recueillis au procès de béatification sont unanimes. "Elle prenait tout de suite les enfants par sa foi communicative, elle savait les intéresser, rendre pour ainsi dire vivantes les vérités qu’elle enseignait.
Elle priait la Sainte Vierge de l’aider, et la faisait prier par les enfants pour qu’elle les aide à comprendre et à retenir ses leçons". Les enfants les plus atteints et les plus en retard étaient les siens. Elle excellait dans l’art de les instruire, elle leur rendait courage et arrivait à des résultats magnifiques.
Les enfants les plus turbulents, les plus indisciplinés étaient pour elle. Elle les calmait, les gagnant peu à peu par sa maîtrise d’elle-même, sa douceur, tandis qu’elle priait dans son cœur Elle leur disait : "Dieu nous voit et nous regarde". Alors ils devenaient sages et attentifs. Combien de fois les mêmes paroles dites par une autre n’obtenaient pas le même résultat.
Sueur Eugénie savait se faire des alliés : les anges gardiens de ces enfants qu’elle priait tout particulièrement.
Et puis, parce que le feu de l’amour doit être alimenté, elle offrait généreusement les renoncements qui se présentaient à elle. Contemporaine de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la bienheureuse Elisabeth de la Trinité, elle vit elle aussi de l’esprit d’enfance évangélique dans une union toujours plus profonde à la Trinité Sainte. Habitée d’une ardeur toute apostolique, elle la communique à ses enfants. L’un deux, vrai petit chef de bande, réunit ses camarades de la rue, et montrant un crucifix, s’exclame "qui l’a mis en croix ?" Silence. Il reprend "c’est nous, c’est nos péchés", et il ajoute "alors tout le monde à genoux". Et la bande obéit.
Mais tout cela ne se fait pas sans un investissement total de l’être. Sueur Eugénie ne recule jamais devant aucune fatigue, aucune difficulté dès qu’il s’agit de faire connaître le Seigneur. Etant appelée à faire partie de la maison de Saint-Denis, non seulement elle s’y dévoue aux nombreux catéchismes, mais elle continue à prêter son concours aux sueurs d’Aubervilliers. Elle enseigne quasi sans interruption pendant tous les après-midi. Le soir elle n’a plus de voix. Au bout d’un certain temps, la fatigue se révèle et se transforme bientôt en épuisement. Sueur Eugénie est atteinte par la tuberculose. Elle qui n’a pas ménagé sa peine doit laisser son cher apostolat. L’offrande de tout ce qu’elle vit féconde le grain ensemencé.
La petite sœur bien sage, comme la nommait affectivement la fondatrice, remet son âme à Dieu le 2 juillet 1904, à Liège, après avoir deux fois murmuré le nom de Jésus et baisé le crucifix.
Sœur Marie-Lucile
Dans France Catholique,
http://catholique-lepuy.cef.fr/2-juillet-bienheureuse-Eugenie.html
http://nouvl.evangelisation.free.fr/eugenie_joubert.htm

Bien chers Amis,
Ce 21 août 1879, deux femmes se hâtent au crépuscule, sous la pluie et le vent, vers la maison de l’une d’entre elles. Passant devant l’église du village, elles remarquent une lueur étrange sur le mur extérieur du sanctuaire. Intriguées, elles s’approchent et se rendent compte que cette lumière émane de trois personnages qui sont comme « éclairés sur le même mur ». Elles croient voir des statues. Regardant mieux, toutes deux constatent que les “statues” bougent et qu’en réalité, il s’agit de personnes vivantes. Désignant le personnage du centre, Mary s’exclame : « C’est la Sainte Vierge ! » La scène se déroule à Knock, petit village d’une Irlande alors accablée par la pauvreté et l’oppression.
L’Irlande a été évangélisée à partir de 432 par saint Patrick (385-461). Pendant les deux siècles suivants, “l’Île des Saints” se couvre de monastères, et toute sa vie s’organise autour de ceux-ci. Les évêques et les prêtres irlandais sont des moines. Au vie siècle, les monastères deviennent des foyers culturels très actifs où l’on étudie en latin les textes fondamentaux de l’Église. Saint Columba (†597) et saint Colomban († 615) donnent au monachisme une dimension missionnaire. D’innombrables moines irlandais sont partis évangéliser la Grande-Bretagne, l’Écosse, la France, l’Allemagne, l’Italie.
Au xiie siècle, les Anglais commencent à s’établir en Irlande. Cependant, leur présence restera limitée jusqu’au xvie siècle. En 1542, Henri VIII, après avoir séparé l’Église d’Angleterre de la communion avec Rome, se proclame roi d’Irlande et y envoie des colons britanniques. En 1595, les Irlandais se soulèvent, mais Elizabeth Ire les vainc au terme d’une guerre de neuf ans. Les comtes irlandais quittent l’île, désormais abandonnée à l’arbitraire de l’Angleterre protestante qui l’asservit. En 1641, les Irlandais se révoltent à nouveau contre l’oppression civile et religieuse, mais ils sont vaincus à la suite d’une guerre impitoyable menée par le dictateur anglais Olivier Cromwell. Entre le tiers et la moitié de la population de l’île est massacrée. Après sa défaite, l’Irlande est soumise à l’autorité et aux lois de l’Angleterre, et les terres du nord-est du pays (l’Ulster) sont confisquées et attribuées à des colons venus d’Écosse et d’Angleterre. Les églises et les monastères sont détruits; les Irlandais de souche sont expropriés et deviennent les serfs de maîtres britanniques. Mais le peuple reste fidèle à la religion catholique, dont le culte est toléré sous des conditions drastiques. En 1845, commence une terrible famine due à une maladie de la pomme de terre, principale nourriture des pauvres, dont les récoltes sont anéanties trois années de suite. Dans l’indifférence du gouvernement britannique, un million d’Irlandais meurent de faim et un million de miséreux émigrent précipitamment, surtout aux États-Unis. La population tombe en dix ans de huit à cinq millions d’habitants. En 1877, une nouvelle famine due à l’insuffisance des récoltes de pommes de terre, accable les Irlandais; elle durera trois ans, et les pauvres ne survivront que grâce à l’aide internationale. C’est au cours de cette crise alimentaire que survient l’apparition de Knock, consolation offerte par la bienheureuse Vierge Marie à ses enfants persécutés.
Knock est un petit village de l’ouest de l’Irlande, dans le comté de Mayo appartenant à la province de Connaught, la région la plus pauvre du pays. Le village compte une quinzaine de foyers groupés autour de l’église paroissiale, et quelques fermes dispersées. Les écoles (une pour les garçons et une pour les filles) sont sous la responsabilité du curé, qui doit trouver les ressources pour payer les instituteurs et entretenir les locaux. Le curé de Knock, en 1879, est l’archidiacre Cavanagh, originaire d’une famille paysanne de treize enfants. Pasteur zélé, n’ayant pas d’honoraires de Messes en raison de la pauvreté de ses paroissiens, il décide de célébrer cent Messes d’affilée pour les âmes du purgatoire. Il célèbre la centième Messe le 21 août 1879, jour même de l’apparition. Il n’est pas improbable que l’intervention reconnaissante de ces âmes ait obtenu cettte grande grâce.
La journée du jeudi 21 août 1879, à Knock, a commencé comme à l’ordinaire. Les gens profitent du beau temps pour sortir travailler. Ils engrangent le foin, rapportent de l’herbe des tourbières (combustible indispensable pour l’hiver), mettent leur linge à sécher. Le soir, le temps change et il commence à pleuvoir abondamment. Vers 20 heures, au crépuscule, Mary Byrne, 29 ans, sœur du sacristain, va fermer l’église. En repartant, elle voit une lueur inhabituelle au-dessus de l’église, mais passe son chemin.
Des images lumineuses
Peu de temps après, Mary McGlouhlin, 45 ans, gouvernante du curé, part pour visiter la famille Byrne; en passant devant le chevet de l’église, elle y distingue comme des personnages, qu’elle prend pour des statues, et passe. Au retour, elle voit encore les personnages au même endroit, et Mary Byrne, qui l’accompagne, s’écrie: «Oh, regarde les statues! Pourquoi ne m’as-tu pas dit que le prêtre avait acheté de nouvelles statues pour l’église?» Mary McGlouhlin répond qu’elle n’en sait rien. Bientôt, elle aperçoit à son tour des “images lumineuses” sur le pignon de l’église. Les deux femmes s’approchent et Mary Byrne identifie le personnage du centre. Elle court alors chez elle alerter sa famille: «La Sainte Vierge est là-bas, près du chevet de l’église!» La première réaction de son frère Dominick (20 ans), est de penser que sa sœur perd la tête. Il la dissuade de se faire en public la risée de tous. «Viens voir toi-même!», lui répond-elle vivement.
Dominick, sa mère et sa sœur âgée de huit ans partent donc pour le sanctuaire. Là, ils contemplent l’apparition. Facilement reconnaissable par tous, la Très Sainte Vierge est accompagnée d’autres personnages. Ils semblent suspendus en l’air au-dessus des hautes herbes. La Mère de Dieu se tient à environ cinquante ou soixante centimètres du sol. Sa taille est celle d’une femme moyenne. Sa tête est ceinte d’une couronne d’or; une cape recouvre ses épaules et une rose orne son front. Elle semble prier, les yeux levés vers le Ciel et les bras légèrement écartés. Saint Joseph, les mains jointes, se tient à la droite de Marie. Il a des «moustaches grises et des cheveux grisonnants» et semble s’incliner respectueusement devant son épouse; ses vêtements sont blancs. À gauche de Marie se tient saint Jean l’Évangéliste (les voyants, peu instruits, auront besoin d’aide pour l’identifier) habillé en évêque, coiffé d’une petite mitre, un livre ouvert à la main gauche, sa main droite levée au niveau de la tête avec deux doigts étendus, comme pour bénir.
À gauche de saint Jean, on voit un autel sur lequel se trouve un agneau d’environ deux mois (les voyants, qui côtoyaient les troupeaux de moutons si nombreux en Irlande, ont pu donner cette précision). Derrière lui se dresse une grande Croix, et voletant autour d’elle, on distingue comme des ailes, sans corps ni tête, que les voyants identifient comme des anges. Une lumière surnaturelle éclaire la plus grande partie du chevet de l’église jusqu’au sommet du vitrail, et même plus haut. Les personnages se déplacent doucement, parfois imperceptiblement, mais surtout, ils sont vivants: il ne s’agit pas d’une image au sens cinématographique, mais d’une réalité en trois dimensions.
“Cent mille mercis”
Dominick part avertir aux alentours et amène devant l’église diverses personnes des environs: son cousin Dominick Byrne, 36 ans, Patrick Byrne, 16 ans, Patrick Hill, 14 ans, Jean Durkan, 11 ans et Jean Curry, 6 ans. De son côté Mary Byrne fait venir Judith Campbell, la fille d’une dame âgée et malade qui habite près de l’église, ainsi que Brigitte Trench, 74 ans, qui se trouvait alors chez les Campbell. Mary Byrne expliquera ainsi sa conviction que le personnage habillé en évêque était saint Jean l’Évangéliste: l’apparition ressemblait à des statues de ce saint, dont l’une s’était trouvée un certain temps dans l’église paroissiale. Elle déclarera, elle aussi, que la Sainte Vierge avait sur les épaules comme une cape, qui lui descendait jusqu’aux pieds, mais sans les cacher.
Un autre détail frappe les assistants: alors qu’ils sont trempés par une pluie qui tombe sans discontinuer, le sol, à l’endroit des apparitions, reste sec malgré son exposition au plein air et au vent. Brigitte Trench ira jusqu’à tâter le sol pour vérifier ce prodige. Elle essaie aussi de baiser les pieds de la Sainte Vierge, mais ne touche que de l’air. En apercevant le spectacle, elle s’écrie en gaélique (la langue traditionnelle des Irlandais): «Cent mille mercis à Dieu et à la glorieuse Vierge, qui ont voulu pour nous cette manifestation!» Pendant la durée de l’apparition, elle récite son chapelet et répète à plusieurs reprises sa prière d’action de grâces.
Bientôt, un groupe de quinze à vingt personnes se rassemble et récite le chapelet ainsi que d’autres prières. Les trois personnages observés restent pendant tout ce temps l’unique source de lumière perceptible à des centaines de mètres à la ronde. Patrick Walsh, 65 ans, en rentrant chez lui, passe à environ huit cents mètres de l’église et voit un «globe» circulaire et doré au-dessus et autour du pignon de l’église. Certains voyants se retirent, pensant que l’apparition va durer longtemps; lorsqu’ils reviennent, elle a pris fin – elle aura duré deux heures. Toutes les personnes passées à proximité de l’église pendant l’apparition l’ont vue. C’est une différence avec l’apparition mariale de Pontmain dans la Mayenne, en 1871, pendant laquelle sept enfants ont vu la Sainte Vierge, mais non les autres assistants.
Le curé de Knock, averti dès le début par sa gouvernante, n’accorde sur le moment aucune importance à ce phénomène. Il estime qu’il s’agit d’un jeu de lumière provoqué par une des vitres de l’église. Occupé à sécher la tourbe qu’il a rapportée comme combustible, il ne vient même pas voir sur place. Ce sera le regret de toute sa vie: «Je n’ai pas été trouvé digne d’être appelé à ce spectacle céleste…» Il se console en pensant que s’il avait vu lui-même l’apparition, du fait de sa présence parmi les témoins, le travail de la commission d’enquête archiépiscopale aurait été beaucoup plus compliqué: on aurait pu dire qu’il avait abusé de son autorité morale pour persuader les assistants de la réalité de cette hallucination; mais les voyants, tous des gens du peuple, n’étaient en rien disposés à inventer une histoire d’apparition.
Un message donné en symboles
À Knock, aucun message, ni oral ni écrit, n’a été transmis. Cependant, comme l’écrira un commentateur, Tom Neary: «Un message exprimé en paroles n’aurait jamais pu communiquer ce que l’apparition elle-même a transmis sans paroles.» Les voyants ont tous ressenti que la Sainte Vierge, accompagnée de saint Joseph et de saint Jean, priait pour eux, et que l’Agneau divin ne cessait de s’immoler pour eux. Le message de Knock est donné non en paroles mais en symboles. L’agneau, l’autel et la croix sont des symboles de l’Eucharistie. Saint Jean-Baptiste, voyant arriver Jésus au bord du Jourdain, s’écrie: Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde (Jn 1, 29). L’apôtre saint Jean, dans l’Apocalypse, évoque vingt-sept fois Jésus sous le symbole d’un agneau immolé, mais toujours vivant: Alors j’ai vu, et j’entendis la voix d’une multitude d’anges qui entouraient le Trône, les Vivants et les Anciens… Ils disaient d’une voix forte: “Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et louange” (Ap5, 11-12). Jésus-Christ accomplit en sa personne la figure de l’agneau pascal immolé par les Israélites sur l’ordre de Dieu en vue de leur libération de l’esclavage d’Égypte (cf. Ex 12): «Jésus est le véritable agneau pascal qui s’est spontanément offert lui-même en sacrifice pour nous, réalisant ainsi la nouvelle et éternelle alliance. L’Eucharistie contient en elle cette nouveauté radicale, qui se propose de nouveau à nous dans chaque célébration» (Benoît XVI, Sacramentum Caritatis, n° 9).
À Knock, Notre-Dame apparaît dans la posture de la prière, les mains et les yeux levés au ciel. Les témoins ont le sentiment que la Sainte Vierge est venue les consoler et les protéger dans la terrible épreuve que connaissait l’Irlande. Saint Jean l’Évangéliste tient le livre des Écritures ouvert dans sa main gauche; sa main droite est levée dans le geste du prédicateur. Le disciple préféré de Notre-Seigneur apparait ici vêtu en évêque pour signifier qu’il est le prêtre fidèle, qui se tient avec Marie au pied de la Croix, et l’enseignant de la Parole de Dieu. Saint Joseph, l’époux de Marie, est le protecteur de la Sainte Famille et le gardien de l’Église. Il se tient légèrement penché, dans l’attitude du respect. Le tableau représenté est l’affirmation iconographique d’une identité entre le Jésus de l’Incarnation (signifié par Marie et Joseph) et le Jésus de la Croix, de la Messe, signifié par l’agneau sur l’autel. Cette apparition s’inscrit à l’encontre des dissociations erronées, alors naissantes, entre le “Jésus de l’Histoire” et le “Christ de la foi”.
Après les deux heures de l’apparition, les voyants se dispersent, confortés, ancrés plus que jamais dans la foi, confiants dans l’avenir, décidés à être fidèles à la prière et aux sacrements, et à se dévouer pour les autres. Le 8 octobre 1879, Mgr John MacHale, archevêque de Tuam, le diocèse auquel appartient Knock, établit une commission d’enquête. À la suite des interrogatoires de témoins, quinze dépositions sont finalement retenues. La qualité et le nombre des témoins, d’âges très différents (de 6 à 74 ans), la concordance des témoignages, pèsent de manière décisive en faveur de la véracité des faits. Les voyants apportent des témoignages concordants et convaincants. Les enquêteurs constatent que le contenu théologique complexe de l’expérience visuelle dépasse les capacités inventives des témoins. Bien qu’aucune parole n’ait été prononcée, ni aucun texte montré aux voyants par les personnages de l’apparition (comme ce fut le cas à Pontmain, huit ans auparavant), le sens de l’apparition est clair aux yeux des témoins.
Les membres de la commission concluent qu’aucune tromperie ni illusion d’optique n’étaient capables d’expliquer le phénomène, et que la thèse de l’hallucination collective ne repose sur rien. Un avis favorable est rendu dès le printemps 1880. Cependant, l’évêque s’abstient de reconnaître publiquement l’apparition, compte tenu de la situation politique tendue et de la surveillance de la police britannique.
Plus de six cents guérisons
Dix jours après l’apparition, les Gordon, résidant dans la ville voisine de Claremorris, emmènent leur fille Delia, sourde, prier au sanctuaire. Dès que sa mère a appliqué aux oreilles de Delia du mortier provenant du mur de l’église, celles-ci s’ouvrent instantanément. Dès lors, la population afflue et beaucoup de gens sont guéris. Le curé, très vite convaincu de la réalité de l’apparition, commence à tenir un registre des guérisons. En octobre 1880, il a déjà enregistré plus de six cents cas. Des personnes souffrant de maladies telles que cécité, surdité, ulcères, fractures, tumeurs malignes et claudication attestent de leur guérison. Les pèlerins grattent souvent la pierre et le mortier du mur de l’apparition et les conservent parfois comme des reliques. Ceux d’aujourd’hui peuvent encore toucher la pierre d’origine du mur de la chapelle de Knock et en rapporter de l’eau bénite, laquelle a souvent opéré des guérisons médicalement inexplicables.
En 1929, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’apparition, une cérémonie à Knock est pour la première fois présidée par l’archevêque de Tuam, Mgr Gilmartin. Quelques années plus tard, en 1936, le prélat ordonne une nouvelle enquête canonique, au cours de laquelle deux des voyants, survivants, peuvent de nouveau témoigner sous la foi du serment. La même année 1936, l’archevêque crée un Bureau des constatations médicales sur le modèle de celui de Lourdes. L’enquête conclut en faveur de l’authenticité de l’apparition. Il ne s’agit pas, cependant, d’une reconnaissance officielle de l’Église, comme celle dont jouissent les apparitions de Lourdes. Mais dans le même temps, Knock devient le sanctuaire marial national de l’Irlande. La république d’Irlande a rebaptisé Knock en gaélique Cnoc Muire (la colline de Marie). De nos jours, plus d’un million et demi de pèlerins s’y rendent chaque année. De nombreuses guérisons et conversions continuent d’être expérimentées par les pèlerins. Une nouvelle basilique a été consacrée en 1976; on peut y voir une mosaïque représentant l’apparition de Knock, haute de quinze mètres et composée d’un million et demi de tesselles de verre coloré et de marbre.
Tout ce qu’il vous dira, faites-le
Le 30 septembre 1979, saint Jean-Paul II s’est rendu à Knock en présence d’un million de pèlerins. Au cours de son homélie, le Pontife s’est adressé au peuple irlandais: «Tant de voix différentes assaillent ce monde d’aujourd’hui, si merveilleux, mais si compliqué et exigeant. On entend tant de fausses voix en conflit avec la parole de Notre-Seigneur. Il y a des voix qui vous disent que la vérité est moins importante que le gain personnel; que le bien-être, la santé et le plaisir sont les vrais points de mire de la vie; que le refus d’une vie nouvelle vaut mieux que la générosité d’esprit et la prise de responsabilité en accueillant cette nouvelle vie; que la justice doit être réalisée, mais sans l’engagement personnel des chrétiens; que la violence peut être le moyen d’obtenir une bonne fin; que l’unité peut être obtenue sans avoir besoin de supprimer la haine. Et maintenant, revenons en pensée de Cana en Galilée au sanctuaire de Knock. N’entendons-nous pas la Mère du Christ, nous le montrant du doigt, nous dire comme à Cana: Tout ce qu’il vous dira, faites-le? Elle est en train de nous le dire à tous...» Le Pape terminait son homélie par une prière adressée à Notre-Dame: «Mère, dans ton sanctuaire, tu réunis le Peuple de Dieu d’Irlande, et sans cesse tu lui montres le Christ dans l’Eucharistie et dans l’Église. En ce moment solennel, nous écoutons avec une toute particulière attention tes paroles: Tout ce que vous dira mon Fils, faites-le. Et nous voulons répondre de tout notre cœur à tes paroles. Nous voulons faire ce que ton Fils nous dit, ce qu’il nous ordonne, car il a les paroles de la vie éternelle. Nous voulons mettre à exécution et accomplir tout ce qui vient de lui et tout ce qui est contenu dans la Bonne Nouvelle, comme nos devanciers l’ont fait pendant de nombreux siècles.»
Prions pour l’Irlande qui subit actuellement une forte vague de sécularisation. Que par la puissante intercession de Marie, elle redevienne l’île des Saints.
Le 19 mars 2021, fête de saint Joseph, le Pape François a reconnu Knock comme sanctuaire marial et eucharistique international. Dans son message, il souligne l’importance du silence, ce silence gardé par les saints apparus à Knock: «Le message qui vient de Knock est celui de la grande valeur du silence pour notre foi. Ce silence face au mystère ne signifie pas renoncer à comprendre, mais comprendre en étant aidé et soutenu par l’amour de Jésus qui s’est offert pour nous tous comme l’Agneau sacrifié pour le salut de l’humanité.» Le silence est en effet une condition indispensable pour entendre la voix de Dieu et s’unir à lui, comme le faisait remarquer sainte Faustine Kowalska: «L’âme silencieuse est capable de s’unir à Dieu de la façon la plus profonde, elle vit presque toujours sous l’inspiration du Saint-Esprit. Dans l’âme silencieuse, Dieu agit sans rencontrer d’obstacle» (Petit Journal, n°476).
L’apparition de Knock nous invite à réfléchir sur l’importance centrale de l’Eucharistie et la place éminente de la Sainte Vierge dans nos vies. Nous pourrons ainsi, levant les yeux vers le Ciel dans une prière humble et confiante, mieux transmettre à notre prochain le message de salut de l’Évangile.
Dom Jean-Bernard Marie, o.s.b.