Pierre DAMIEN

Pierre DAMIEN

(1007-1072)

écrits

Saint, ermite
puis évêque,
docteur de l'Église

« Vous avez négligé ce qu’il y a de plus grave dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité »

 

Si tu veux cheminer correctement, avec discrétion et avec fruit sur la route de la vraie religion, tu dois être austère et rigide avec toi-même, mais paraître toujours joyeux et ouvert avec les autres, t'efforçant en ton coeur de cheminer sur les sommets de la droiture, tout en sachant t'abaisser avec bonté vers les faibles. Bref, devant le jugement de ta conscience, tu dois modérer les rigueurs de la justice, de telle sorte que tu ne sois pas dur pour les pécheurs, mais accessible au pardon et indulgent…

Estime ton péché dangereux et mortel ; celui des autres, nomme-le fragilité de la condition humaine. La faute que tu estimes chez toi digne d’une correction sévère, pense que, chez les autres, elle ne mérite qu’un petit coup de baguette. Ne sois pas plus juste que le juste : crains de commettre le péché, mais n'hésite pas à pardonner au pécheur. La vraie justice n'est pas celle qui précipite les âmes des frères dans le piège du désespoir... Il est bien dangereux le feu qui, en brûlant des buissons, menace d'embraser la maison elle-même avec l'ardeur de ses flammes. Non, celui qui épluche volontiers les défauts des autres n'évitera pas le péché, car, même s'il est mû par le zèle de la justice, tôt ou tard, il se laissera aller au dénigrement.

Evidemment, si notre vie ne nous paraissait pas si brillante, celle des autres ne nous semblerait pas si laide. Et si, comme il le faudrait, nous étions pour nous des juges sévères, les fautes d'autrui ne trouveraient pas en nous des censeurs aussi rigoureux.

Opuscule 51 ; PL 145, 749s (trad. Migne 1992, p. 125 rev.)

Précurseur par sa vie et par sa mort

 

Précurseur du Christ, Jean l'a été par sa naissance, par sa prédication, par son baptême et par sa mort. (...) Peut-on trouver une seule vertu, un seul genre de sainteté, que le Précurseur n'ait possédé au plus haut degré ? Parmi les saints ermites, lequel s'est jamais imposé cette règle de n'avoir pour nourriture que du miel sauvage ou ce mets immangeable : des sauterelles ! Certains renoncent au monde et fuient les hommes pour vivre saintement, mais Jean n'est encore qu'un enfant. (...) quand il s'enfonce dans le désert et choisit résolument d'habiter dans la solitude. Il a renoncé à succéder à son père dans la charge de prêtre, afin de pouvoir annoncer en toute liberté le Prêtre véritable et souverain. Les prophètes ont prédit à l'avance la venue du Sauveur, les apôtres et les autres enseignants de l'Église attestent que cette venue a réellement eu lieu, mais Jean le montre présent parmi les hommes. Beaucoup ont gardé la virginité et n'ont pas souillé la blancheur de leur vêtement (cf Ap 14,4), mais Jean renonce à toute compagnie humaine afin d'arracher les convoitises de la chair jusqu'à leurs racines, et, plein de ferveur spirituelle, il habite parmi les bêtes sauvages.

Jean préside même au sein du chœur écarlate des martyrs, comme leur maître à tous : il a combattu vaillamment pour la vérité, et il est mort pour elle. Il est devenu le chef de tous ceux qui combattent pour le Christ, et, le premier de tous, il est allé planter au ciel l'étendard triomphal du martyre.

Sermon 24 ; PL 144, 857
(in Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes;
trad. J-R Bouchet; Éd. du Cerf 1994, p. 441)

« Vous verrez les cieux ouverts, avec les anges de Dieu qui montent et descendent au-dessus du Fils de l'homme »

 

La gloire de tous les apôtres est tellement indissociable, elle est unie par le ciment de tant de grâces, que lorsqu'on célèbre la fête de l'un d'eux c'est la grandeur commune de tous les apôtres qui est rappelée à l'attention de notre regard intérieur. Ils se partagent en effet la même autorité de juges suprêmes, le même rang de dignité et ils possèdent le même pouvoir de lier et d'absoudre (Mt 19,28; 18,18). Ils sont ces perles précieuses que saint Jean nous dit avoir contemplées dans l'Apocalypse et dont les portes de la Jérusalem céleste sont construites (Ap 21,21.14). (...) En effet, lorsque par des signes ou des miracles les apôtres rayonnent la lumière divine, ils ouvrent l'accès de la gloire céleste de Jérusalem aux peuples convertis à la foi chrétienne. (...)

C'est d'eux encore que le prophète dit : « Qui sont ceux-là, qui volent ainsi que des nuages ? » (Is 60,8). (...) Dieu élève l'esprit de ses prédicateurs à la contemplation des vérités d'en haut (...) de sorte qu'ils puissent répandre en abondance la pluie de la parole de Dieu dans nos cœurs. C'est ainsi qu'ils boivent l'eau à la source pour nous la donner à boire à notre tour. Saint Barthélémy a puisé à la plénitude de cette source, lorsque l'Esprit Saint est descendu sur lui comme sur les autres apôtres sous la forme de langues de feu (Ac 2,3).

Mais tu entends parler de feu et peut-être que tu ne vois pas le rapport avec l'eau. Écoute comment le Seigneur appelle eau cet Esprit Saint qui est descendu comme un feu sur les apôtres. « Si quelqu'un a soif, dit-il, qu'il vienne à moi et qu'il boive », et il ajoute : « Celui qui croit en moi — l'Écriture le dit — des fleuves d'eau vive jailliront de son cœur », et l'évangéliste explique : « Il disait cela de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui » (Jn 7,37-39). Le psalmiste dit aussi des croyants : « Ils se rassasient de l'abondance de ta maison et tu les abreuves au torrent de tes délices, car en toi se trouve la source de la vie » (Ps 35,10).

Sermon 42, 2e pour la saint Barthélémy ; PL 144, 726
(in “Lectures chrétiennes pour notre temps”,
fiche N10; trad. Orval; © 1971 Abbaye d'Orval)