
Marie Laure de Jésus Montoya Upegui
(1874-1949)
Bienheureuse, Religieuse
fondatrice des
Missionnaires de Marie Immaculée et de Sainte Catherine de Sienne
Fête le 21.10
Laura Montoya Upegui naît à Jericó, Antioquia (Colombie) le 26 mai 1874. Après la mort de son père pendant la guerre civile, sa mère éleva ses trois enfants dans la plus grande pauvreté. Elle devint maîtresse d'école à l'âge de 16 ans, bien qu'elle fût totalement autodidacte.
En 1914, soutenue par Mgr Maximiliano Crespo, évêque de Santa Fe de Antioquia, elle fonda une famille religieuse : “Missionnaires de Marie Immaculée et de Sainte Catherine de Sienne”, une œuvre religieuse qui rompait avec les modèles traditionnels et qu'elle dirigea avec beaucoup d'énergie.
Sa profession de maîtresse d'école la conduisit au contact de nombreuses populations à Antioquia puis au Collège de l'Immaculée à Medellin, jusqu'à ce qu'elle se sente appelée à réaliser « l'Œuvre des Indios », un travail héroïque au service des autochtones des forêts d'Amérique.
Avec cinq de ses disciples et sa mère Doloritas Upegui, elle forma le groupe des “Missionnaires catéchistes des Indios” qui, le 5 mai, quitta Medellin pour Dabeiba en s'ouvrant une route dans la forêt. Malgré l'incompréhension et le mépris de certains responsables civils et religieux de l'époque, elle accomplit son travail d'évangélisation dans la pauvreté et au contact de la culture autochtone.
Après une vie de service, elle mourut à Medellin le 21 octobre 1949. A sa mort, sa Congrégation comptait 90 Maisons, dans trois pays, et 467 religieuses. Elles œuvrent à présent dans 19 pays en Amérique, en Afrique et en Europe.
Elle a été béatifiée, à Rome, le 25 avril 2004, avec cinq autres Serviteurs de Dieu : le prêtre August Czartoryski; trois religieuses : María Guadalupe García Zavala, Nemesia Valle,Eusebia Palomino Yenes; une laïque, Alexandrina Maria da Costa, par Saint Jean-Paul II (>>> Homélie du Pape).
Laura Montoya Upegui a été canonisée le 12 mai 2013, par le pape François, sur la place Saint-Pierre de Rome, devenant, de ce fait, la première sainte colombienne.

Bien chers Amis,
« Ma blessure, confie Laura Montoya (1874-1949) à son confesseur, ce sont les Amérindiens. Je me sens leur mère à tous. Ils me font mal parce qu’ils sont oubliés, parce qu’ils sont démunis de tout, parce qu’ils sont méfiants, parce que dans leurs grottes et leurs antres, ils vivent et meurent loin de Dieu. – C’est une entreprise pour les hommes, pas pour les femmes !», répond le Père. Laura Montoya consacrera pourtant sa vie à l’apostolat en faveur de ces peuples encore païens. Laura Montoya, la « première sainte née sur la belle terre colombienne, disait le Pape François, nous enseigne à être généreux avec Dieu, à ne pas vivre la foi de façon solitaire mais à la communiquer, à apporter la joie de l’Évangile par la parole et par le témoignage de la vie dans tous les milieux où nous nous trouvons…» (12 mai 2013).
Laura Montoya est née dans la ville de Jericó, au centre de la Colombie, le 26 mai 1874. Ce pays est situé dans l’extrême nord-ouest du continent sud-américain. Son territoire est composé de forêts tropicales et d’une partie de la cordillère des Andes. À cette époque, de nombreuses guerres civiles, principalement liées à des antagonismes régionaux, se succèdent sur une vingtaine d’années. Dolores Upegui, la mère de Laura, femme d’une foi intense et profonde, attend que sa fille soit baptisée, quatre heures seulement après sa naissance, pour lui donner son premier baiser. Le père, Juan de la Cruz Montoya, est médecin et commerçant. Il meurt au cours d’une guerre civile, pour avoir défendu les droits de Dieu et de Jésus-Christ contre les libéraux qui voulaient un pays sans Dieu et sans religion, et qui allaient au combat en criant : “Mort au Christ, à bas la religion !” Laura n’a alors que deux ans. Cette disparition prématurée entraîne de nombreuses souffrances pour la famille qui compte trois enfants : Laura, Carmelita et Juan de la Cruz. Ses biens sont confisqués : aussi doit-elle se réfugier chez des parents de Dolores, et subir maintes vexations. Chaque jour, tous se réunissent pour réciter le chapelet, et on prie pour un certain Clímaco Uribe. Laura, s’imaginant qu’il s’agit d’un parent, demande innocemment à sa mère où il habite. La réponse tombe, stupéfiante : « C’est lui qui a tué ton père ! Tu dois l’aimer, car nous devons aimer nos ennemis. En nous faisant souffrir, ils nous rapprochent de Dieu. » Laura écrira : « Avec de telles leçons, il me devint peu à peu impossible de ne pas aimer ceux qui m’avaient fait du mal.» À la douleur de voir sa mère traitée avec mépris s’ajoute pour la jeune fille la peine de ressentir l’antipathie et le rejet de personnes dont elle attendait de l’affection. La prière, la méditation de l’Écriture sainte et l’Eucharistie lui servent de refuge. «Il fallait, dira-t-elle, que Dieu trouve mon cœur vide de tout attachement terrestre, pour qu’en son temps il puisse en prendre une possession absolue. »
À l’âge de huit ans, elle s’amuse, un matin, à admirer l’ordre et l’effort assidu d’une colonne de fourmis portant leurs provisions, quand, tout à coup, elle reçoit une grâce singulière : « Ce fut comme si j’étais frappée par la foudre ; c’était une connaissance de Dieu et de ses grandeurs, si profonde, si magnifique et si aimante, qu’aujourd’hui, après tant d’études et d’apprentissage, je n’en sais pas plus sur Dieu que je n’en sus alors…» Deux ans plus tard, elle rencontre, dans la ville de Don Matías (un peu plus au nord du pays) où la famille s’est installée, deux jeunes femmes. La première, Ursula Barrera, rayonne de vie spirituelle. Laura constate avec quelle dévotion pour le Seigneur elle dispose les fleurs et orne l’autel ; cet amour tout simple suscite en elle un profond enthousiasme. Elle remarque aussi l’attachement d’Ursula à sa pureté virginale : « Sa virginité, écrira-t-elle, était enflammée par l’amour de Dieu… Elle fut pour moi une grande leçon de courage pour préserver la mienne.» La seconde, Dolores Restrepo, âme intensément apostolique, parcourt à pied d’énormes distances pour rechercher et gagner au Christ les pécheurs. Cette jeune femme riche utilise sa fortune pour aider les pauvres et les assister comme une humble servante. « Ursula, la vierge contemplative, et Dolores, la vierge apôtre, ont été, sans le savoir, mes maîtresses, mes miroirs, les pédagogues de ma vocation », affirmera Laura.
Un véhément désir
Laura ne perd jamais une occasion de communier et aime se tenir devant le tabernacle par amour pour le Seigneur qui est là présent, même si elle ne reçoit de Lui aucune grâce sensible. Un jour de 1887, alors qu’elle commence une tâche ménagère, elle l’offre à Notre-Seigneur, selon sa coutume. À ce moment, « sans doute en réponse à mon offrande, Dieu suscita en moi un désir véhément de recevoir la Communion ». Ne pouvant immédiatement accéder au Sacrement, elle exprime au Seigneur son désir de le recevoir dans son cœur. Une forte grâce d’amour pénètre alors son âme, comme si l’Eucharistie l’avait transpercée : « Il me semblait que je comprenais comment Jésus est dans l’Hostie et comment le Verbe divin est en Jésus », dira-t-elle. D’autres grâces viendront préparer son âme à sa future mission.
Dans ses Visites au Très Saint Sacrement, saint Alphonse écrit : « Quel plaisir donnent à Dieu ces communions spirituelles et quelles grâces elles procurent aux âmes ! … Le divin Maître assura la bienheureuse Jeanne de la Croix que chaque communion spirituelle valait une grâce analogue à celle qu’elle aurait reçue en communiant réellement… C’est là une pratique bien plus profitable que certains ne le pensent, et elle est si facile ! … Elle n’attire pas l’attention et ne réclame pas le jeûne eucharistique… À toute heure, à notre gré, nous pouvons l’accomplir : un acte d’amour, il n’en faut pas davantage : Viens, Seigneur Jésus !»
Lorsque Laura parvient à l’âge de seize ans, sa mère lui demande de contribuer à faire vivre la famille en devenant institutrice. Admise à l’École normale d’instituteurs de Medellín, alors capitale de la Colombie, elle obtient son diplôme, non sans de grandes difficultés. Devenue enseignante, elle profite de ses cours pour parler de l’Évangile : « Je m’efforçais, dira-t-elle, de faire de mes élèves des amoureuses enthousiastes de Dieu.» De nombreuses jeunes filles, provenant même de la haute société locale, commencent à communier fréquemment et à manifester leur foi publiquement, parfois face à des parents antireligieux. En 1898, Laura rejoint une cousine qui a fondé à Medellín une école privée très cotée. Grâce à sa totale liberté d’action, le succès de ses activités apostoliques s’accroît. Mais ce succès lui vaut des animosités croissantes qui finissent par entraîner son renvoi de l’école. Un couple de notables de Medellín préparait alors le mariage de sa fille, Eva Castro, une disciple de Laura. Deux jours avant le mariage, la jeune fille informe ses parents de sa décision de rompre les fiançailles pour se faire religieuse. Les parents et les proches d’Eva attribuent à Laura la responsabilité de ce changement soudain et se persuadent qu’elle a agi avec des arrière-pensées mauvaises. Une vague de calomnies et de diffamations se répand contre elle. Laura devient la cible de nombreuses injures, et les gamins des rues lui jettent des pierres. Son confesseur lui-même, après l’avoir soumise à un interrogatoire impitoyable, lui déclare qu’il ne veut plus avoir affaire à elle. Mais une lettre ouverte au père d’Eva Castro, rédigée avec soin par une personne bien informée et courageuse, obtient peu à peu l’extinction de la campagne de calomnies.
Un chagrin qui réveille la nuit
Quelques années plus tard, Laura ouvre une nouvelle école avec un succès semblable, mais dès la deuxième année, l’intervention d’un évêque mal informé la contraint à la fermer. Ces revers, et bien d’autres, n’entament pas sa paix ni sa confiance : elle sait que la Croix portée avec le Christ est un signe de la bienveillance divine. À l’âge de vingt ans, elle pensait que sa vocation était d’entrer au carmel, mais une expérience missionnaire chez les indigènes païens de Colombie la convainc que sa mission se trouve dans l’engagement à leur service. Un grand nombre d’entre eux vit sans connaître l’existence de Dieu, et sans savoir qu’ils ont une âme spirituelle destinée à la connaissance et l’amour de leur Créateur. « J’avais commencé à sentir un chagrin qui me réveillait la nuit, affirmera Laura… Mon réveil au cœur de la nuit me plongeait dans un abîme de ténèbres et de douleurs irrémédiables causées par la perte éternelle d’âmes qui étaient liées à mon âme comme du lierre. »
Commentant le dialogue de Jésus avec Nicodème, saint Jean-Paul II écrivait : « Dieu donne son Fils unique afin que l’homme ne périsse pas, et la signification de ce ne périsse pas est soigneusement précisée par les mots qui suivent : mais ait la vie éternelle (Jn 3, 16). L’homme périt quand il perd la vie éternelle. Le contraire du salut n’est donc pas seulement la souffrance temporelle… mais la souffrance définitive : la perte de la vie éternelle, le fait d’être rejeté par Dieu, la damnation. Le Fils unique a été donné à l’humanité pour protéger l’homme avant tout contre ce mal définitif » (Encyclique Salvifici doloris, 11 février 1984, n°14). La douleur de Laura est donc parfaitement justifiée, ainsi que sa détermination d’apporter la foi aux païens : « Croire en Jésus-Christ et en Celui qui l’a envoyé pour notre salut, enseigne le Catéchisme, est nécessaire pour obtenir ce salut. Parce que sans la foi… il est impossible de plaire à Dieu (He 11, 6)» (CEC, n°161).
Mgr Crespo, l’évêque de Santa Fe de Antioquia, accorde à Laura une audience le 11 février 1912. « Vous êtes la dame qui a pris à cœur la sainte entreprise de sauver les pauvres Amérindiens ?» interroge-t-il aimablement. « Oui, votre Excellence, au moins de travailler un peu pour eux. – Eh bien, j’accueille cette œuvre de tout mon cœur, de toute mon âme ! … Je la soutiendrai toujours… Au début, ne prenez pas avec vous plus de quatre compagnes capables d’assumer à l’avenir la charge de supérieure. Il ne manque plus qu’un prêtre, mais Dieu y pourvoira. » Cette réponse emplit Laura d’une grande joie ; jusqu’alors, en effet, elle avait recueilli bien des critiques de la part de personnes “prudentes” qui considéraient cette entreprise comme trop dangereuse à cause des conditions de vie dans la jungle et du comportement farouche de ces païens. D’ailleurs, plusieurs prêtres ont échoué dans cette mission. Laura prépare donc soigneusement l’expédition avec quelques compagnes. « Pour les entreprises humaines et pour les buts humains, il est nécessaire d’avoir de l’argent dans les mains et de tenir des comptes, pense-t-elle. Pour les entreprises visant à la gloire de Dieu, la richesse doit être dans le cœur, dans des tonnes de confiance… Il est vrai que les œuvres de Dieu ne se font pas sans argent ; mais cet argent est dans des lieux que Dieu connaît bien et Il le fait sortir peu à peu, au fur et à mesure des besoins. »
Un cortège étonnant
« Le beau matin du 5 mai 1914, écrira-t-elle, cinq missionnaires se mirent en route, dont ma mère, Dolores, âgée de soixante-douze ans, qui avait plus d’enthousiasme et de détermination que ses jeunes compagnes. C’était un spectacle jamais vu auparavant par les habitants de Medellín : un cortège de femmes précédé de dix mules et de deux guides à pied, avec l’objectif clair de sauver des âmes. De nombreux visages apparaissaient aux fenêtres pour regarder avec admiration. » Sur les conseils d’un prêtre missionnaire, la base des opérations est fixée à Dabeiba, vers le nord de la cordillère, à l’entrée du pays des indigènes ; de là, on pourra rayonner, surtout au nord et à l’est, et recevoir vivres et renforts. Deux prêtres qui ont quelque connaissance des lieux les accompagnent. Les dix jours du voyage sont longs et pénibles, par des chemins rudimentaires, voire inexistants. Les innombrables difficultés, l’asphyxie même qui l’oblige à rebrousser chemin dans l’ascension du Paramillo, à plus de quatre mille mètres d’altitude, et la conduit aux portes de l’éternité, ne font pas renoncer Laura à son dessein. En chemin, le groupe est sollicité à Frontino pour y fonder une école. L’offre est attrayante, mais Laura répond : « Monseigneur nous a envoyées auprès des Amérindiens et c’est auprès d’eux que nous devons aller. » À Dabeiba, le premier accueil est méprisant et hostile. L’arrivée des missionnaires avait été annoncée par des personnes malveillantes, et la population reste sur la réserve vis-à-vis de ce groupe essentiellement féminin. La première nuit, seule une masure abandonnée leur sert d’abri. Les jours suivants, aucune nourriture ne leur est offerte, et on ne veut rien leur vendre. Toutefois, la bonté et la prière des Sœurs conquièrent peu à peu les cœurs et on les laisse s’installer dans une petite demeure de fortune. Dans cette détresse, le Seigneur accorde à ses servantes une joie proportionnée à l’acuité de leurs souffrances supportées pour son amour.
Dès août 1914, ces jeunes femmes missionnaires, issues de familles bien pourvues, entreprennent la construction d’un grand ranch dans une clairière de la jungle. Des murs de torchis, des toits de chaume sont laborieusement édifiés sous un soleil torride, le sol nu servant de plancher ; c’est une maison toujours ouverte aux visites prudentes des “Indiens”, mendiants et curieux. Un Européen habitant Medellín fait part de son étonnement : « Ces jeunes femmes n’ont jamais connu la privation, et les voilà ici, suant, travaillant comme de misérables ouvriers. Sont-elles devenues folles ? – Oui, répond Laura, mais d’une folie que le monde ne connaît pas : la folie de la Croix.» Les indigènes commencent à s’approcher : d’abord méfiants, ils finissent par faire confiance aux religieuses. L’héroïsme des Sœurs, leur bonté et leur bienveillance, leurs nombreuses prières et sacrifices surtout, touchent les cœurs. L’enseignement du catéchisme occupe le meilleur de leur temps. Les cours de religion, soigneusement préparés, durent parfois trois heures, et les élèves ne se lassent pas. Il arrive que, pour les écouter, des hommes se tiennent cachés derrière les fenêtres. « Mes disciples, écrit Laura, correspondent très bien à mes désirs, et je les vois avancer sur les chemins de l’amour de Dieu voiles déployées… Dès cette première année, nous eûmes un nombre considérable de Baptêmes d’adultes, et de fervents chrétiens parmi la jeunesse.» Paradoxale, en raison du manque de moyens humains, cette réussite est le fruit de la grâce. Une nouvelle institution religieuse est née ; elle recevra trois ans plus tard l’approbation diocésaine sous le nom de “Congrégation des Sœurs Missionnaires de Marie-Immaculée et de Sainte-Catherine de Sienne”. L’approbation romaine interviendra en 1953, après le décès de la sainte fondatrice.
Des abris de fortune
Dans les moments difficiles, lorsque l’hostilité des habitants de Dabeiba se manifeste particulièrement, le Seigneur vient en aide aux missionnaires héroïques par des miracles. En dépit d’innombrables revers, les Sœurs s’implantent et un noviciat est érigé en territoire indien, puis une deuxième base, Rioverde, à quarante kilomètres au nord de Dabeiba. De là, les Sœurs rayonnent, souvent à cheval ; elles contactent des tribus encore isolées dans la forêt vierge, passant parfois la nuit dans des abris de fortune. À partir de mars 1918, elles deviennent les auxiliaires des Pères carmes, auxquels une nouvelle circonscription ecclésiastique a été confiée. Au début, selon témoignage des Pères, la collaboration s’avère bonne. Plus tard cependant, alors que la congrégation féminine est appelée dans d’autres régions de la Colombie, la situation devient tendue à cause notamment du fort caractère de certains missionnaires et d’immixtions malvenues de laïcs. Aussi, en 1925, les Sœurs doivent-elles se retirer, abandonnant même Dabeiba, le berceau de leur activité apostolique.
En 1927, la curie généralice et le noviciat sont installés dans le diocèse de Santa Rosa de Osa, alors encore en zone indienne. Malheureusement, des indélicatesses de la part de personnes de bonne volonté mais mal informées, amènent les autorités diocésaines à demander la démission de la Mère Laura de sa charge de supérieure générale. Les lettres de l’époque démontrent à la fois l’injustice des accusations portées contre la Mère et l’humilité de celle-ci. Par obéissance, elle donne immédiatement sa démission et se transfère à Medellín. Lors de ses Exercices spirituels de 1909, elle avait consacré une journée entière à demander à Dieu la grâce des humiliations. Cependant, la vérité ayant été reconnue, la Mère est réintégrée dans sa fonction.
Le sourire de ma vie
En 1930, Mère Laura et deux Sœurs se rendent à Rome et obtiennent une audience du Pape Pie XI, grand promoteur des missions. À cette occasion, elles accomplissent aussi un des rêves de Laura : faire un pèlerinage à Lourdes. Ce lieu lui est tellement cher qu’elle a fait ériger une représentation de la Grotte à proximité de chaque résidence de ses Sœurs. Les Amérindiens, en effet, se montrent très sensibles à la pureté de Marie, et Laura les mène à Jésus par sa Mère. « Ma dévotion à la Sainte Vierge était comme la rame qui faisait avancer ma petite barque… Marie est le sourire de ma vie », écrit-elle, ajoutant que la Mère de Dieu est «la première connaissance et le pur amour des indigènes ». Ils aiment répéter cette douce exclamation qu’elle leur a apprise : « Marie, ma Mère, sauve-moi !» Les âmes les plus endurcies sont désarmées en entendant les missionnaires parler de Marie. « Je n’ai pas besoin de Dieu ! Je ne veux pas de votre Baptême ! Je n’aime pas votre Loi !» s’écrie l’un d’eux. « Tu n’aimes même pas Marie, ma Mère ?» réplique la missionnaire. « Oui, elle me plaît ! Elle m’est très chère !» Le Compendium du Catéchisme de l’Église catholique rappelle que Marie, « pleine de grâce, est la “Toute Sainte”... Quand l’ange lui annonça qu’elle mettrait au monde le Fils du Très-Haut, elle donna librement son consentement dans l’obéissance de la foi. Marie s’est livrée totalement à la Personne et à l’œuvre de son Fils Jésus, acceptant de toute son âme la volonté divine du salut. » Marie est vraiment Mère de Dieu parce qu’elle est la Mère de Jésus qui est lui-même Dieu. « Marie a un Fils unique, Jésus, mais, en lui, sa maternité spirituelle s’étend à tous les hommes, qu’il est venu sauver. Elle est la véritable mère des vivants, qui coopère avec son amour maternel à leur naissance et à leur croissance dans l’ordre de la grâce. Vierge et Mère, Marie est la figure de l’Église, sa plus parfaite réalisation » (cf. nos 95, 97 et 100). Mère Laura professe aussi une grande dévotion envers saint Joseph, père nourricier de la Sainte Famille et de chacune de ses maisons ; elle lui consacre aussi toutes ses entreprises apostoliques.
Dans les années qui suivent son retour en Colombie, Mère Laura est peu à peu affaiblie par l’âge : il lui faut rester à la maison généralice, alors transférée à Medellín. Elle en profite pour beaucoup prier, mais aussi pour publier des écrits missionnaires, dont son autobiographie où elle expose son cheminement dans la foi et la charité. Elle adresse aussi à ses filles de belles lettres d’encouragement à persévérer dans leur vocation. Le 21 octobre 1949, le Seigneur la rappelle à Lui. Sa congrégation compte alors 90 maisons dans trois pays, et 467 religieuses. En 2017, on dénombrait 770 Sœurs et 140 maisons : outre leur établissement à Rome et en Espagne, les Sœurs sont présentes en Afrique et dans presque toute l’Amérique latine.
Au cours de la Messe de canonisation, le 12 mai 2013, le Pape François soulignait : « Sainte Laura Montoya a été un instrument d’évangélisation tout d’abord comme institutrice, puis comme mère spirituelle des autochtones, chez qui elle a infusé l’espérance en les accueillant avec cet amour appris de Dieu, et en les conduisant à Lui avec une pédagogie efficace qui respectait leur culture et ne s’opposait pas à elle. Dans son œuvre d’évangélisation, Mère Laura s’est vraiment faite toute à tous, selon l’expression de saint Paul (cf. 1 Co 9, 22) … Elle nous enseigne à accueillir chacun avec un amour sincère, en partageant avec eux ce que nous avons de plus précieux… Ce que nous avons de plus précieux, c’est le Christ et son Évangile.» Demandons à sainte Laura Montoya de nous encourager à témoigner du Christ pour l’évangélisation et le salut du monde !
Dom Jean-Bernard Marie, o.s.b.