Jacques BERTHIEU

(1838-1896)

Saint, Prêtre jésuite.
et martyr 

Né dans le diocèse de Saint-Flour (France) en 1838, Jacques Berthieu fut prêtre au service de ce diocèse de 1864 à 1873, date à laquelle il entra chez les jésuites. Deux ans plus tard, il fut envoyé à Madagascar, où il resta jusqu'à sa mort.

 Ses vingt-et-une années d'apostolat furent entrecoupées de trois exils, à cause des lois françaises antireligieuses et des guerres coloniales. Tout dévoué à ses brebis, il ne leur cachait pas les exigences de la sainteté, notamment l'unité et l'indissolubilité du mariage.

 Arrêté le 8 juin 1896 lors d'une insurrection, il refusa à plusieurs reprises d'apostasier et fut fusillé le même jour.

 Martyr de la foi et de la chasteté, il fut béatifié par Paul VI le 17 octobre 1965, pendant le Concile Vatican II, et canonisé, par le pape Benoît XVI, le 21 octobre 2012, à l'occasion de la journée mondiale des missions.

Bien chers Amis,

«Prædicate Evangelium! (Prêchez l’Évangile!): c’est la tâche que le Seigneur Jésus a confiée à ses disciples. Ce mandat constitue le premier service que l’Église peut rendre à tout homme et à l’humanité entière dans le monde actuel… L’Église devient plus rayonnante lorsqu’elle apporte aux hommes le don surnaturel de la foi, comme une lumière qui oriente notre marche dans le temps» (Pape François, Constitution Prædicate Evangelium, 19 mars 2022, nos 1-2). De nombreux saints se sont donnés totalement pour remplir cette mission évangélisatrice de l’Église en faveur des peuples païens. Saint Jacques Berthieu l’a accomplie à Madagascar au xixe siècle.

Jacques Berthieu est né le 27 novembre 1838 à Polminhac dans l’actuel département du Cantal; il est baptisé le jour même. Ses parents, Pierre et Catherine, sont exploitants agricoles sur une propriété familiale. Il est l’aîné d’une famille profondément chrétienne de sept enfants. La prière du soir se fait en commun. L’assistance dominicale à la Messe est régulière. Un mendiant de passage reçoit toujours soupe, pain et, pour la nuit, la paille de la grange. Pierre Berthieu mourra soudainement en 1865. Scolarisé à Aurillac chez les Frères des Écoles chrétiennes, Jacques fait sa première Communion à douze ans et sa vocation commence à éclore. Il entre au petit séminaire de Saint-Flour à l’âge de quinze ans. Six ans plus tard, il est admis au grand séminaire. Ordonné prêtre le 21 mai 1864, il est nommé vicaire de Roannes-Saint-Mary aux environs d’Aurillac, et restera au service de cette paroisse de huit cents fidèles jusqu’en 1873. La bonté et la générosité de Jacques deviennent proverbiales. Un jour, il demande à sa mère de lui confectionner un tricot; elle lui répond: «Mais, il n’y a pas longtemps que je vous en ai donné un! – C’est vrai, reprend le prêtre, mais j’ai rencontré quelqu’un qui en avait plus besoin que moi…»

Jacques paraît être tout à fait à sa place en paroisse. Mais depuis longtemps il a perçu un appel du Seigneur à une vie consacrée. Il expliquera: «Deux événements, dans ma jeunesse, m’ont frappé sans que je m’en rende bien compte: une vie de saint Louis de Gonzague que l’on m’avait offerte, et la lecture des Annales de la Propagation de la Foi… en particulier sur notre poste de mission à Madagascar.» En 1873, devant la grotte de Lourdes, où il s’est rendu en pèlerinage, sa décision est prise. Le 31 octobre, il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus, à Pau. Un de ses confrères le décrira ainsi: «Un regard doux, émanant de deux yeux où règne la paix de l’âme. Une figure de curé de campagne mais qui ne manque ni de finesse ni de distinction. Ce qui prédomine, c’est une expression de franchise et de bonté.» En 1874, Gabriel, un frère de Jacques, entre à son tour au noviciat des Jésuites: «Ce fut l’une des plus grandes joies de ma vie», dira son aîné. Ce dernier est envoyé à Vals, près du Puy-en-Velay, pour suivre un complément d’études de théologie. Le Père Ramière, un apôtre ardent de la dévotion au Sacré-Cœur, y réside. Touché par son rayonnement, Jacques se consacrera au Sacré-Cœur à Paray-le-Monial avant son départ pour Madagascar, où il se fera l’apôtre de ce culte parmi les chrétiens malgaches.

Ses supérieurs destinent en effet le Père Jacques à Madagascar. La mission des Jésuites de la province de Toulouse dans cette île immense date de quatorze ans. Le 26 septembre 1875, le nouveau missionnaire quitte le port de Marseille. Le voyage est pénible, car le Père est très sensible au mal de mer. Après un mois de navigation, ils arrivent à Saint-Denis de la Réunion. Le Père Jacques est alors envoyé à l’île Sainte-Marie (aujourd’hui: Nosy Boraha ou “Île d’Abraham”), une colonie française toute proche de Madagascar, qui compte huit mille habitants. Il y étudie la langue malgache et constitue une équipe missionnaire dynamique avec deux autres Pères jésuites et les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny. La Congrégation de ces religieuses, fondée par sainte Anne-Marie Javouhey, aide les missionnaires: elles instruisent les filles et rendent de multiples services. Nommé supérieur de la mission en 1876, le Père Jacques bénéficie de l’aide d’un novice créole, le Frère Darbould, qu’il apprécie beaucoup: en plus des tâches matérielles, celui-ci fait le catéchisme aux enfants.

La mission reçue du Seigneur

«La mission est une sortie inlassable vers toute l’humanité pour l’inviter à la rencontre et à la communion avec Dieu, rappelle le Pape François. Inlassable! Dieu, grand en amour et riche en miséricorde, est toujours en sortie vers tout homme pour l’appeler au bonheur de son Royaume, malgré l’indifférence ou le refus. De la même façon, Jésus-Christ, le bon pasteur et l’envoyé du Père, allait à la recherche des brebis perdues… C’est pourquoi l’Église continuera à se rendre au-delà de toutes frontières, à sortir sans cesse, sans se fatiguer ni se décourager face aux difficultés et aux obstacles, pour accomplir fidèlement la mission reçue du Seigneur» (Message pour la Journée mondiale des Missions, 20 octobre 2024). Ces paroles font écho à celles de saint Jean-Paul II: «En remontant aux origines de l’Église, nous voyons clairement affirmé que le Christ est l’unique Sauveur de tous, celui qui seul est en mesure de révéler Dieu et de conduire à Dieu. Aux autorités religieuses juives qui interrogent les Apôtres au sujet de la guérison de l’impotent qu’il avait accomplie, Pierre répond: C’est par le nom de Jésus de Nazareth, celui que vous, vous avez crucifié, et que Dieu a ressuscité des morts, c’est par son nom et par nul autre que cet homme se présente guéri devant vous… Car il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés (cf. Ac 4, 10 et 12). Cette affirmation a une portée universelle, car pour tous – Juifs et païens –, le salut ne peut venir que de Jésus-Christ» (Encyclique Redemptoris missio, 7 décembre 1990, n° 5).

En 1878, la fièvre contraint le Père à se rendre sur l’île de la Réunion pour être soigné à l’hôpital militaire de Saint-Denis. Il y reste cinq mois, puis regagne sa mission. Lorsqu’il maîtrise suffisamment la langue, il commence à prêcher, mais constate que les indigènes, même baptisés, ne sont pas encore christianisés en profondeur, et il déplore des mœurs licencieuses. Grâce à son apostolat, des mariages sont régularisés. Il s’occupe aussi d’orphelins, et quête auprès des siens en Auvergne pour subvenir à leurs frais. L’évangélisation se fait surtout par les écoles: il y a deux cents écoliers, garçons et filles, dans les écoles de la mission. On leur apprend la lecture, l’écriture, le calcul élémentaire et le catéchisme, mais aussi les bases de l’agriculture, et la couture pour les filles. Le Frère Darbould témoignera comment le Père Jacques parvint à être un véritable père pour tous: «Pas de paroles violentes, pas d’éclats de colère; toujours maître de lui, il écoutait les plaintes et les disputes et puis parlait de Dieu, de l’offense du péché, tranchait les difficultés et réconciliait les adversaires. Il traitait les Malgaches avec autant de déférence que les Français, contrairement aux coutumes courantes chez les Européens de l’époque.»

La pièce maîtresse

En mars 1880, le gouvernement français édicte des décrets interdisant aux religieux non autorisés de séjourner sur le territoire français; les Jésuites quittent Sainte-Marie au début d’octobre 1881 et passent sur l’île de Madagascar, alors indépendante. À Tananarive, la capitale, le Père est informé de sa destination: Ambohimandroso, mission située à plus de cinq cents kilomètres au sud de la capitale, sous la direction du Père Fabre, un missionnaire aguerri. Ce poste missionnaire date de moins de dix ans; on y compte vingt-cinq postes de brousse et vingt-et-une écoles groupant six cents élèves. Les indigènes, tout à fait illettrés, sont forts attachés au culte des ancêtres, et parlent une langue particulière. D’autre part, les Pères doivent faire face à une certaine concurrence des missionnaires protestants, principalement anglais. La reine Ranavalomanjaka et ses principaux courtisans ont été gagnés au protestantisme. Le Père Berthieu s’attache à ces peuplades, assimile rapidement leur langue. Il lui faut user d’une grande patience: «C’est la pièce maîtresse de tout apostolat, écrit-il… Voilà le missionnaire: se faire tout à tous, à l’intérieur et à l’extérieur; s’occuper de tout, hommes, bêtes et choses, et tout cela finalement pour gagner des âmes, d’un cœur large et généreux.» À la fin de mai 1882, le Père se rend, à la demande de ses supérieurs, à Mananjary, un petit port de la côte est. Pour la Fête-Dieu, il rassemble les fidèles de toute la région, au nombre d’un millier. La procession, bien préparée avec des reposoirs richement décorés, est un grand succès: même les protestants viennent voir la “prière qui marche”. Le Père ne reste que quelques semaines en ce lieu.

En 1883, commence la guerre franco-hova (les Hova sont l’ethnie dominante dans l’île de Madagascar, à laquelle la reine appartient). Le gouvernement hova profite d’un flou législatif pour déshériter les descendants des propriétaires français. Des négociations avec la France sont entreprises, mais elles s’enveniment. En mai, tous les Français sont expulsés de l’île. Le Père Berthieu doit partir dans les quarante-huit heures, à pied, vers la côte. Arrivé à Tamatave, il retrouve ses confrères de Tananarive et le Père Cazet, préfet apostolique. Dans la ville aux mains des Français, mais assiégée, le Père met en œuvre ses compétences agricoles et plante un jardin potager. Sa ténacité d’Auvergnat parvient à produire des légumes que les indigènes considéraient comme ne pouvant pousser en ce lieu. Le Père Jacques reste dix-huit mois dans cette ville. En 1885, il pose sa candidature comme aumônier militaire bénévole. Cette affectation est aussi un moyen de pénétrer à nouveau au cœur du territoire. Le Père est envoyé dans la zone de Vohémar, sur la côte nord-est contrôlée par les troupes françaises. Il s’établit d’abord à Ambanio, fait la connaissance de nouvelles tribus malgaches, tout aussi adonnées aux vices que les précédentes, et installe un poste de mission. Il s’occupe tout spécialement des soldats gravement malades.

Transféré en avril 1885 à Vohémar, il aménage une église. Un témoignage de cette époque affirmera qu’il était «d’une amabilité fabuleuse». Cette qualité facilite une bonne entente avec l’administrateur de la place et avec l’infirmier en chef de l’hôpital. Tous deux sont protestants, mais ils lui rendent bien des services. De nombreux militaires vénèrent le Père; en revanche, les colons français et la plus grande partie des indigènes ne lui procurent que peu de satisfaction. Il ne cache pas les exigences de la vie chrétienne, à commencer par l’unité et l’indissolubilité du mariage monogame validé par le sacrement. Il dénonce l’injustice de la polygamie, fréquente à l’époque, s’attirant par là des ennemis. Il ouvre des classes gratuites pour garçons et filles, non sans de graves difficultés: tout reproche d’ordre moral qu’il adresse aux parents heurte leur susceptibilité. «Dieu sait si j’aimais et si j’aime encore le sol de la patrie et la douce terre de l’Auvergne, écrit-il. Et cependant Dieu me fait la grâce d’aimer bien plus encore ces champs incultes de Madagascar, où je ne puis que pêcher (et bien péniblement) à la ligne, quelques âmes pour Notre-Seigneur… La mission progresse, bien que les fruits ne soient encore qu’en espérance. Mais que nous importe, pourvu que nous soyons de bons semeurs: Dieu fera pousser en son temps.»

Le Père et la Mère

Une paix est enfin signée entre la France et le gouvernement de Madagascar le 17 décembre 1885. Le Père Berthieu doit alors se rendre à Diego-Suarez (extrême nord de l’île) pour remplacer un confrère tombé malade. Le petit troupeau chrétien de Vohémar le voit partir avec déchirement. Là, il visite les malades, surtout les militaires français: l’accueil est généralement bon. Après trois semaines, il lui faut déjà repartir. De passage à Sainte-Marie, il constate que la paroisse qu’il avait formée a beaucoup souffert depuis son départ; mais à Tananarive, où il arrive le 5 juin 1886, les paroisses catholiques se sont bien maintenues pendant l’absence des Pères, grâce surtout au dévouement de certains laïcs malgaches, en particulier la belle-fille de l’ancien premier ministre, la bienheureuse Victoire Rasoamanarivo (béatifiée le 30 avril 1989).

En juillet, le Père s’installe à Ambositra, gros bourg situé à environ 200 km au sud de la capitale. Ce poste avait été quitté par les missionnaires trois ans auparavant, du fait de la guerre. Bien que privés de prêtres, les chrétiens ont maintenu leur vie de foi, malgré l’hostilité du gouverneur, prédicant protestant, et des autorités civiles en général. Le Père devient le correspondant officiel de la Poste française; cette charge lui ouvre bien des portes. Sa bonté et sa diplomatie facilitent les relations avec le gouverneur, qui régente ses sujets sans ménagements. Un jour, ce personnage convoque à son tribunal un certain nombre de paroissiens pour une chicane administrative qui risque de leur coûter cher. Le jésuite se présente lui aussi au jour et à l’heure dits. «Mais, mon Père, je ne vous ai pas convoqué! s’écrie le gouverneur. – Vous les faites comparaître, cela me concerne aussi!», répond le missionnaire. Encouragés par sa présence, les administrés, d’ordinaire si timides face à l’administration, se défendent avec courage. Le Père Berthieu ouvre de nouveaux postes missionnaires. À partir de 1891, l’habitude se prend de solenniser la Fête-Dieu par une procession digne, ce qui plaît beaucoup aux Malgaches. L’une des grandes peines du Père est le petit nombre de ses collaborateurs: en général, il est seul, avec un frère coadjuteur; parfois un confrère le rejoint, rarement deux. Et pourtant, «la moisson est mûre…! Si la besogne est écrasante, ajoute-t-il, on ne fait cependant que ce que l’on peut faire.» Devenu Malgache avec les Malgaches, il se nourrit de riz froid avec son café du matin. Il s’improvise architecte pour les bâtiments de la mission, et il jardine: il est le premier viticulteur à employer un plant de vigne américain résistant au phylloxéra, avant même qu’il ne soit introduit en France. Mais par-dessus tout, il est considéré par tous comme “le Père et la Mère”.

«La mission de porter l’Évangile à toute créature doit nécessairement prendre le style même de Celui qui est annoncé. Les disciples-missionnaires proclament au monde la beauté de l’amour salvifique de Dieu manifesté en Jésus-Christ mort et ressuscité, avec joie, magnanimité et bienveillance, fruits de l’Esprit Saint en eux» (Pape François, Message pour la journée mondiale des Missions de 2024).

Un livre précieux : le catéchisme

En novembre 1891, le Père Jacques est transféré dans une mission à environ 50 km au nord de Tananarive, à Andrainarivo. La chrétienté du lieu, ne comprenant à l’origine que des laïcs fervents, existe depuis 1869. Le missionnaire doit s’adapter à une nouvelle langue et à un nouveau peuple. Il se trouve seul prêtre pour dix-huit postes ou paroisses; il donne la priorité à l’instruction religieuse. Catéchiste infatigable, il souhaite «instruire beaucoup et beaucoup!» Un jeune maître d’école, voyant qu’à cheval, il a son catéchisme ouvert sous les yeux, lui dit: «Mon Père, pourquoi étudiez-vous encore le catéchisme? –Mon enfant, le catéchisme est un livre qu’on ne saurait trop approfondir, car il contient toute la doctrine catholique.» Le Père montre aussi un grand zèle en faveur des malades: «Que je mange ou que je dorme, n’ayez pas honte de m’appeler!» Au sud du village vivent deux femmes lépreuses; il leur porte vivres et vêtements, leur enseigne le catéchisme, et enfin les baptise.

En octobre 1894, le conflit avec la France éclate à nouveau et les missionnaires doivent s’éloigner. Le Père est envoyé à l’île Sainte-Marie, sa première mission, puis à La Réunion. Mais dès le 1er octobre 1895, un traité est signé établissant le protectorat de la France sur Madagascar. Le Père revient à Andrainarivo. En 1896, il est confronté à une insurrection politico-religieuse du mouvement Menalamba (ceux qui portent des “lamba” ou toges rouges): très opposé au christianisme, quelle qu’en soit la confession, et au pouvoir français, celui-ci s’attache surtout à rétablir le fétichisme ancestral. Le Père Berthieu est directement visé, ainsi que les villages chrétiens. De nombreuses églises, ainsi que des temples protestants, sont brûlés. Le Père Jacques cherche à placer les chrétiens sous la protection des troupes françaises, et s’efforce de rester le plus possible au milieu d’eux pour les encourager. Mais sa santé se ressent de ces tensions: il doit passer la fête de Pâques au lit, à Tananarive. Dans l’une de ses dernières lettres, il écrit: «Travaillons rudement et souffrons pour gagner… avant tout, le Ciel!»

Le Pape François affirme: «Nous savons que le zèle missionnaire des premiers chrétiens avait une forte dimension eschatologique. Ils ressentaient l’urgence de proclamer l’Évangile. Aujourd’hui encore, il est important de garder à l’esprit cette perspective, car elle nous aide à évangéliser dans la joie de celui qui sait que “le Seigneur est proche”, et dans l’espérance de celui qui est tendu vers le but, lorsque nous serons tous avec le Christ à ses noces dans le royaume de Dieu. Alors que le monde propose les “banquets” variés de la consommation, du bien-être égoïste, de l’accumulation, de l’individualisme, l’Évangile appelle chacun au banquet divin où règnent la joie, le partage, la justice, la fraternité, dans la communion avec Dieu et avec les autres» (Ibid.).

Prier jusqu’à la mort

Dès qu’il le peut, le Père Jacques rejoint ses chrétiens d’Andainarivo. Dans ce territoire en révolte, ses fidèles, des centaines de personnes, dont des infirmes et des blessés, sont contraints de se déplacer de village en village. Le missionnaire s’efforce d’aider surtout les plus handicapés. Attaqué par les rebelles Menalamba le 7 juin 1896, il se réfugie au village d’Ambohibemasoandro. Bien qu’à majorité protestante, ce village l’accueille bien; il peut même célèbrer la Messe le 8 juin au matin, puis se cacher dans la maison d’un protestant. Dans l’après-midi, les rebelles le trouvent, s’emparent de lui et le dépouillent de sa soutane; l’un d’eux lui arrache son crucifix, en disant: «Est-ce là ton amulette, est-ce ainsi que tu égares le peuple, et vas-tu prier encore longtemps? – Il me faut prier jusqu’à la mort», répond-il. Un des assaillants lui porte un coup de machette au front; son sang coule abondamment, mais la blessure n’est pas profonde. Les Menalamba l’emmènent. Plus loin, un protégé du Père s’approche, et celui-ci, toujours soucieux du salut des âmes, lui demande: «As-tu reçu le Baptême, mon enfant? – Non», répond-il. Alors, fouillant dans sa poche, le Père en tire une croix et deux médailles qu’il lui donne en ajoutant: «Prie Jésus-Christ tous les jours de ta vie! Nous ne nous reverrons plus, n’oublie pas ce jour, apprends la religion chrétienne et demande le Baptême quand tu verras un prêtre!» Fervent dévot de la Vierge Marie, dont il récite souvent le rosaire, sa prière favorite, le missionnaire égrène les Ave Maria... Près d’Ambiatibe, village situé à 40 km au nord de Tananarive, décision est prise de le tuer. Jacques Berthieu s’agenouille. Un des chefs s’approche: «Renonce à ton odieuse religion, n’égare plus le peuple, nous ferons de toi notre conseiller et notre chef et nous t’épargnerons. – Je ne puis y consentir, je préfère mourir», rétorque le Père. Il est atteint mortellement à la troisième salve de fusil; un dernier coup de feu, presque à bout portant, l’achève. Son corps est jeté dans la rivière. À l’occasion de sa mort, plusieurs de ses agresseurs adhèrent au message de l’Évangile et recevront le Baptême.

Jacques Berthieu a été déclaré bienheureux et premier martyr de Madagascar par le Pape saint Paul VI en 1965. Le Pape Benoît XVI l’a canonisé le 21 octobre 2012. L’Église le fête le 8 juin. Demandons à saint Joseph, que ce missionnaire révérait particulièrement, de nous fortifier dans la foi et la connaissance de Jésus-Christ, à qui nous devons rendre témoignage par toute notre vie.

Dom Jean-Bernard Marie, o.s.b.

8 janvier 2025 -