Ildefonse SCHUSTER

(1880-1954)

bienheureux
cardinal

Bien chers Amis,

«Quel sujet choisir pour soulever la foi de notre monde en cette heure de désorientation et de douleur?» se demandait le bienheureux cardinal Ildefonse Schuster, dans les années 1943-44, en pleine guerre mondiale. Il répondait: «Finalement, je me suis décidé à écrire sur la prière, sujet qui fut traité tant de fois par les anciens Pères de l’Église. Cela signifie qu’ils en sentaient le besoin en leurs temps pleins de dangers et, sous plusieurs aspects, si semblables au nôtre.» Ce moine bénédictin, devenu cardinal, est resté fortement attaché à la tradition de prière transmise par saint Benoît, et il a publié en quatre volumes le “Livre de la prière antique”..

Alfredo Schuster est né à Rome, le 18 janvier 1880. Son père, Giovanni Schuster, bavarois d’origine, est venu dans la Ville éternelle, après un double veuvage, pour servir parmi les zouaves pontificaux du bienheureux Pape Pie IX. Après la prise de Rome en 1870, il reste dans la ville. En 1879, âgé de soixante ans, il épouse Maria Anna Tutzer, originaire de Bolzano dans le Haut-Adige (aujourd’hui en Italie). Tous deux sont catholiques pratiquants assidus. Un an après la naissance d’Alfredo, une petite fille vient au monde, Julie, qui deviendra Fille de la Charité. Giovanni Schuster meurt en 1889, à la suite d’une longue et pénible maladie. «Alors que j’étais encore petit, écrira Alfredo, la maladie m’avait réduit en un tel état que les médecins désespéraient désormais de me sauver. Ma mère courut alors à l’église Saint-Augustin se jeter aux pieds de la Mère du Christ, et par sa prière, elle obtint la guérison de son fils… J’écris cela en reconnaissance envers Notre-Dame et en souvenir de ma bonne mère, de laquelle j’ai appris, par son exemple, les trésors de la piété chrétienne et de la dévotion envers Notre-Dame.» Le jeune garçon manifeste très tôt des signes de vocation, par exemple en reproduisant à la maison les rites de la Messe, avec sa sœur comme acolyte. Porté déjà à la pratique de la charité, il donne souvent son goûter à un pauvre rencontré dans la rue. Après avoir fréquenté le jardin d’enfants des Sœurs de la Charité, puis l’école élémentaire publique, il entre, à l’âge de onze ans, à l’école des bénédictins de Saint-Paul-hors-les-Murs. Celle-ci compte alors une dizaine d’élèves. Alfredo y acquiert une large culture humaniste qui servira de base à une vaste érudition. Sa piété est exemplaire, et la récitation du chapelet un élément essentiel de sa prière. Au plus chaud de l’été, la communauté se rend à Farfa dans les collines de la Sabine. Là, Alfredo rencontre le bienheureux Placide Riccardi, un bénédictin qui le forme à la vie spirituelle, et sera pour lui un modèle dans la recherche du beau et de Dieu, jusqu’à sa mort en 1912. Alfredo hérite, de celui que l’on a appelé le “saint du Chemin de Croix”, une grande dévotion à ce pieux exercice.

Après sept ans d’école, Alfredo est admis au noviciat et il reçoit le nom d’Ildefonse (saint moine, devenu évêque de Tolède, en Espagne – 606-667). Un goût pour l’archéologie sacrée se développe en lui; cependant, son maître des novices lui confisque un jour tous les livres d’archéologie avec cette explication: «Pour faire de l’archéologie, il faut se déplacer; un moine, lui, reste dans son abbaye!» Frère Ildefonse émet sa première profession en 1899. Toute sa vie au monastère se résumera dans ces deux mots: “ora et labora” (prie et travaille). Il s’adonnera aux études (théologie, Écriture sainte, archéologie, art sacré, histoire et liturgie) pour une fin unique: le service de Dieu par amour. Malgré sa jeunesse dans la communauté, il est nommé cérémoniaire. En octobre 1900, Frère Ildefonse commence des études de philosophie à la toute nouvelle université bénédictine de Saint-Anselme. L’acuité de son intelligence et son ardeur au travail, qui s’y font rapidement remarquer, lui obtiendront, en juin 1903, un doctorat en philosophie. Après des études de théologie, dom Ildefonse est ordonné prêtre le 19 mars 1904. Il fait remarquer à un ami: «Dans la Sainte Écriture, le mot “prêtre” n’est jamais employé seul mais toujours dans l’expression “prêtre du Seigneur” pour bien marquer l’appartenance totale au Seigneur… Notre sacerdoce n’est rien d’autre que la continuation du sacerdoce du Seigneur.»

Le jeune prêtre adhère pleinement à la définition que saint Benoît donne du moine: un ouvrier qui travaille aux choses de Dieu. «Rien ne me fait plaisir si cela ne plaît pas à Dieu», dit-il volontiers. Il se fait tout à tous, enseignant les enfants, continuant ses fonctions de cérémoniaire, sachant aider discrètement les supérieurs à améliorer l’observance de la Règle dans la communauté. Lors de ses déplacements hors du monastère, le Père Abbé choisit volontiers dom Ildefonse pour l’accompagner; il l’envoie aussi prêcher aux moniales de la région. En 1908, il lui confie la charge importante et délicate de maître des novices. «J’ai tellement peu de temps libre, écrit le Père Ildefonse, que c’est une véritable misère. Le Seigneur a ainsi disposé les choses que ma journée est totalement occupée pour sa plus grande gloire: l’école, les confessions, les conférences aux uns ou aux autres… de telle sorte qu’il ne me reste autre chose à faire que de lui offrir le sacrifice complet et total de moi-même…» Mais son âme est dans la paix: «Je vis tranquillement dans la volonté adorable de Dieu et je suis, comme un enfant, la voie de l’obéissance, la seule voie vers le salut.»

Le cœur battant de l’annonce

«Il y a, affirme le Pape François, un grand témoignage qui traverse l’histoire de la foi: celui des moniales et des moines… Leurs vies parlent d’elles-mêmes, mais nous pouvons nous demander: comment les personnes qui vivent dans des monastères peuvent-elles contribuer à l’annonce de l’Évangile? Ne feraient-elles pas mieux de mettre leur énergie au service de la mission, en sortant du monastère et en prêchant l’Évangile au-dehors? En réalité, les moines sont le cœur battant de l’annonce: leur prière est l’oxygène de tous les membres du Corps du Christ, leur prière est la force invisible qui soutient la mission. Ce n’est pas un hasard si la patronne des missions est une moniale, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.. Écoutons comment elle a découvert sa vocation: “J’ai compris que l’Église a un cœur, un cœur brûlant d’amour. J’ai compris que seul l’amour pousse les membres de l’Église à l’action et que, si cet amour s’éteignait, les apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les martyrs ne verseraient plus leur sang. J’ai compris et su que l’amour embrasse en lui toutes les vocations… Alors, avec une joie immense et extase de l’âme, je me suis écriée: Ô Jésus, mon amour, j’ai enfin trouvé ma vocation. Ma vocation est l’amour… Dans le cœur de l’Église, ma mère, je serai l’amour” (Manuscrit autobiographique B, 8 septembre 1896). Les contemplatifs, les moines, les moniales sont des personnes qui prient, travaillent, prient en silence, pour toute l’Église. Et c’est l’amour: c’est l’amour qui s’exprime en priant pour l’Église, en travaillant pour l’Église, dans les monastères. Cet amour pour tous anime la vie des moines et se traduit dans leur prière d’intercession» (26 avril 2023).

À partir de 1911, s’ajoutent aux occupations du Père Ildefonse, des cours à l’école supérieure de musique sacrée qui s’est ouverte la même année. Il est ainsi conduit à étudier la liturgie. En 1913, on lui confie encore des cours d’histoire de l’Église à l’Université Saint-Anselme. En parlant des personnages historiques, il aime à plaisanter: «Au moins, il s’agit de gens qui sont tous dans leur éternité et ne peuvent pas nuire. C’est un monde dans lequel je me trouve très bien!» Vers cette époque, il commence à élaborer son «Liber Sacramentorum» (livre des mystères): il s’agit d’une œuvre volumineuse de notes historiques et liturgiques sur le Missel et le Bréviaire romains, avec un commentaire admirable. La congrégation du Mont-Cassin, dont fait partie l’abbaye de Saint-Paul-hors-les-Murs, met fréquemment à contribution le Père Schuster pour la révision de ses Constitutions. Lors du chapitre général de 1915, celui-ci est nommé procurateur de sa congrégation auprès du Saint-Siège. Beaucoup de monastères en difficulté s’adressent à lui. Devenu prieur de Saint-Paul en 1916, il est élu deux ans plus tard pour succéder à son abbé rappelé à Dieu. Il a trente-huit ans. Après avoir objecté son inaptitude à ce poste, le nouvel élu finit par l’accepter, par obéissance au chapitre général. Désirant conduire ses moines dans une voie de sainteté, il commence par redoubler d’austérité envers lui-même. Il s’applique à être le premier aux offices, le plus prompt à interrompre ses activités à l’appel de la cloche: «Votre attitude, dit-il à ses religieux, doit être semblable à celle des anges en présence de Dieu.» Il organise des récollections pour clercs et laïcs, véritables “oasis de vie spirituelle”. Mgr G. B. Montini, le futur Pape Paul VI, y envoie les jeunes du mouvement chrétien FUCI dont il est aumônier. Dom Ildefonse joue également un rôle dans les initiatives de dialogue avec la communauté juive de Rome.

L’ignorance des vérités éternelles

Le Pape Benoît XV, qui s’entretient volontiers avec lui, le nomme consulteur de la Congrégation des Rites (pour le culte divin), puis président de l’Institut pontifical pour les études orientales. Chargé de la visite apostolique des séminaires d’Italie, puis de celle de communautés religieuses, le Père Abbé s’acquitte de ces missions avec son zèle habituel et, grâce à sa diplomatie jointe à une charitable fermeté, il gagne de nombreuses sympathies. À la mort du cardinal Tosi, archevêque de Milan, il est, à sa grande surprise, nommé, le 26 juin 1929, pour lui succéder à la tête du plus vaste diocèse d’Italie; puis il est fait cardinal le 15 juillet suivant. Son premier geste lors de son arrivée sur le territoire de son diocèse est de baiser la terre «arrosée par le sang de tant de martyrs et par la sueur de tant de mes prédécesseurs». Il choisit pour modèle saint Charles Borromée (archevêque de Milan de 1565 à 1584). Sa première lettre pastorale est totalement orientée vers l’aspect évangélique et spirituel de sa tâche. Il y encourage toutes les œuvres caritatives. Lorsqu’il annonce sa première visite pastorale, il va immédiatement à l’essentiel: «C’est l’ignorance des vérités éternelles qui est la source de la diminution de la foi et de la baisse de la moralité publique.» Il insiste beaucoup sur la catéchèse et dénonce l’abandon des devoirs dominicaux, les modes et les spectacles indécents, etc. Assidu aux visites des neuf cents paroisses du diocèse, il lui faut cinq années pour s’en acquitter. Il le fera cinq fois pour chaque paroisse en ses vingt-cinq ans d’épiscopat, allant parfois à pied là où les chemins sont inaccessibles aux voitures. Il examine tout personnellement, surtout quant au service divin, donnant ainsi une grande impulsion aux soins qu’y portent les curés. Pour stimuler ceux-ci à enseigner les vérités de la foi, il fait lui-même des catéchèses aux enfants et aux adultes. «Je touche du doigt, affirme-t-il, l’une des grandes plaies de notre époque: l’oubli de Dieu.»

Le fondement de toute culture véritable

Parlant du monachisme, qui a engendré une culture nouvelle après la chute de l’Empire romain, le Pape Benoît XVI disait: «L’objectif des moines était de chercher Dieu, quærere Deum. Au milieu de la confusion de ces temps où rien ne semblait résister, les moines désiraient la chose la plus importante: s’appliquer à trouver ce qui a de la valeur et demeure toujours, trouver la Vie elle-même. Ils étaient à la recherche de Dieu. Des choses secondaires, ils voulaient passer aux réalités essentielles, à ce qui, seul, est vraiment important et sûr… Chercher Dieu et se laisser trouver par Lui: cela n’est pas moins nécessaire aujourd’hui que par le passé. Une culture purement positiviste, qui renverrait dans le domaine subjectif, comme non scientifique, la question concernant Dieu, serait la capitulation de la raison, le renoncement à ses possibilités les plus élevées et donc un échec de l’humanisme, dont les conséquences ne pourraient être que graves. Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable» (Discours aux Bernardins, Paris, 12 septembre 2008).

Lors de ses visites pastorales, le cardinal rencontre les mouvements de fidèles, qu’il considère comme le cœur des paroisses. Ils partagent son souci missionnaire envers la masse des incroyants; parlant de ceux-ci, il affirme: «Je leur dis uniquement le message du salut éternel, et de se réconcilier avec Dieu.» La résistance du cardinal Schuster à la fatigue fait l’étonnement et l’admiration de son entourage. Lors d’une de ses dernières visites pastorales, il affirmera: «C’est une rude tâche que celle de l’archevêque de Milan. Mais comment puis-je me dérober à la fatigue? Aussi longtemps que le Seigneur me donnera de vivre, je poursuivrai ma tâche!» Il expliquera: «Ce sont les prières des bons qui me soutiennent!» Lorsqu’il est à Milan, les audiences qu’il accorde le matin lui demandent beaucoup d’efforts, car il s’applique à considérer en détail chaque affaire qui lui est soumise. L’attention qu’il porte à tous les prêtres qui le visitent est marquée par une grande affection paternelle: il les aide de tout son pouvoir et leur fait ses recommandations, notamment d’aller se reposer de bonne heure, le soir, pour être dispos le lendemain matin, sans se laisser accaparer par les occupations extérieures. Il admire le travail des religieuses, leurs peines et leurs sacrifices innombrables. Dans une lettre pastorale, il rappelle aux supérieures qu’elles sont tenues en conscience d’accorder des vacances aux religieuses employées dans les hôpitaux et centres de soin. Au cours des audiences, quelle que soit la personne reçue, il cherche toujours à élever la conversation au plan surnaturel. Grâce à son intime union avec Dieu, il reste constamment calme et serein, même lorsque l’entretien est difficile. Il reçoit avec honneur et délicatesse les représentants des autres religions ou confessions chrétiennes.

Pour mieux vivre le présent

Le diocèse de Milan est doté d’une liturgie particulière, la liturgie “ambrosienne”, attribuée à saint Ambroise. Le nouvel archevêque encourage les études sur ce sujet. Le cardinal Montini, son successeur à Milan, dira de lui: «Il fut historien, archéologue, hagiographe et liturgiste: il étudiait le passé pour mieux vivre le présent.» L’idéal de sainteté du cardinal Schuster ne vise pas aux phénomènes surnaturels extraordinaires, mais s’appuie sur la prière nourrie des vérités révélées, le travail et l’extrême patience à porter la croix. Sa bénédiction et sa prière, pourtant, obtiennent parfois un effet qui tient du miracle.

Lors de l’arrivée au pouvoir de Mussolini en 1922, le Père Schuster, alors moine de Saint-Paul, avait pensé, avec la grande majorité des catholiques italiens, pouvoir catholiciser le fascisme. Mais ensuite, malgré les accords du Latran de 1929, le cardinal est contraint d’entrer en lutte contre la tentative de mainmise de l’État sur toutes les activités du pays. Discrètement, il dénonce aussi certaines opérations de séduction du mouvement fasciste en direction du clergé. Après la promulgation des lois raciales par Mussolini, sous l’influence de son allié germanique, il prononce une homélie à la cathédrale de Milan, le 13 novembre 1938: il y condamne clairement le racisme, le qualifiant d’hérésie et de «danger international… non moindre que le bolchevisme». Il s’oppose aussi à l’État lorsque celui-ci tend à monopoliser la formation de la jeunesse. Dans une lettre du 12 février 1937 à l’Action catholique, le cardinal a dénoncé également l’infanticide, devenu de plus en plus fréquent. Il veut soustraire à la mort ces pauvres innocents privés du Baptême.

Le cardinal Schuster se rend, en 1937, à la célébration du centenaire de la profession monastique de dom Prosper Guéranger, restaurateur de l’abbaye de Solesmes (France). En 1939, il participe au conclave qui aboutit à l’élection du Pape Pie XII. En avril 1940, tandis qu’en Italie on exalte la guerre, le cardinal se rend chez le roi Victor-Emmanuel et ose lui dire: «Majesté, l’Italie a confiance en vous pour que soit conjurée la guerre.» Mais sa démarche reste sans suite. Au mois d’août 1943, la ville de Milan est la cible de raids aériens anglo-américains: des bombes incendiaires en détruisent presque la moitié. Pour subvenir aux besoins des innombrables victimes de la misère et de la famine qui s’ensuit, le cardinal fait distribuer des secours en espèces, en denrées alimentaires et en vêtements: «Donnez, donnez tout ce que nous avons, demande-t-il à ses curés. Notre argent est l’argent des pauvres, nous ne pouvons le retenir.» Il instaure la “Charité de l’archevêque”, nommant à sa tête un laïc dévoué. Le cardinal promeut aussi la construction de logements en faveur des sans-logis. Le 1er septembre 1943, il publie une lettre pastorale où il rappelle que l’Église a toujours défendu, contre l’oppression du plus fort, les droits du peuple, la liberté de conscience et l’inviolabilité de la société familiale. Dans les derniers jours de la guerre, il organise des tractations pour que la reddition des fascistes puisse se faire sans effusion de sang. En décembre 1945, Mussolini demande à rencontrer le cardinal: celui-ci tente de le convaincre de se repentir de ses péchés et de se rendre, mais en vain. Lorsque le cadavre du dictateur, exécuté à Milan, est exposé sur une place publique, l’archevêque demande aux chefs maquisards: «Enlevez-le, ou je le ferai moi-même!» Il est obéi.

Le 8 janvier 1952, la Conférence épiscopale italienne est fondée à Florence: le cardinal Schuster en devient le premier président. Nommé légat pontifical par Pie XII aux Congrès eucharistiques nationaux de 1951 et 1953, il se fait remarquer par la grande piété qu’il apporte dans l’accomplissement de ses fonctions. Mais en mars 1954, il lui faut interrompre une visite canonique en raison de son épuisement; depuis quelques années, en effet, son cœur donne des signes de fatigue. Le 14 août, son médecin, le Père Gemelli, l’oblige à se retirer au séminaire de Venegono. Il confie aux séminaristes réunis autour de lui, à propos de sa santé: «Pour ne pas avoir voulu payer les intérêts année par année, je me trouve maintenant dans l’obligation de restituer en une fois tout le capital et les intérêts!» Il leur dit encore: «Les gens ne se laissent plus convaincre par notre prédication, mais en présence de la sainteté, ils croient encore, ils se mettent encore à genoux et ils prient.» Dans un dernier article rédigé pour une revue milanaise, à l’occasion de la mort d’Alcide De Gasperi, homme politique italien dont la cause de béatification a été introduite, il écrit: «L’unité de l’Europe ne pourra se trouver que dans sa tradition chrétienne.» Dans la nuit du 29 au 30 août, après avoir reçu l’Onction des malades et la Communion, il meurt paisiblement. Trente ans plus tard, lors de la reconnaissance canonique en vue de sa béatification, le 28 janvier 1985, son corps sera retrouvé intact.

La suprême valeur

Lors de la béatification du cardinal Schuster, le 12 mai 1996, le Pape saint Jean-Paul II soulignera: «L’amour pour le Christ, exprimé par son incessant service de l’Église, constitue le cœur de la spiritualité et de l’activité apostolique d’Alfredo Ildefonse Schuster… L’esprit de prière et de contemplation, propre à la tradition bénédictine dans laquelle il avait été formé, anima tout son ministère pastoral… Encore aujourd’hui, il continue à indiquer à tous les prêtres et à toutes les personnes appelées à travailler dans la vigne du Seigneur la suprême valeur de l’amour envers Dieu, fondement de la communion fraternelle, et que “ce qui compte pour la vraie grandeur de l’Église et de ses fils, c’est l’amour” (Écrits spirituels, p.27).»

Le cardinal Schuster adorait le Christ dans son cœur, comme l’enseigne saint Pierre, toujours prêt à se défendre devant quiconque lui demandait raison de l’espérance qui était en lui. Avec douceur, respect et conscience tranquille, il était prêt, si telle était la volonté de Dieu, à souffrir pour faire le bien (cf. 1 P 3, 15-17). Qu’il nous inspire une semblable fidélité au Seigneur!

Dom Jean-Bernard Marie, o.s.b.